🛑 Tolérance zéro harcèlement
- Patrick Dufault, CRHA
- il y a 3 jours
- 4 min de lecture
Réalisme ou utopie en milieu de travail ? L'analyse qui fait réfléchir.
Mots-clés principaux : Tolérance zéro harcèlement, Gestion des tensions, RPS, Climat de sécurité psychosociale |
Le concept de "Tolérance Zéro Harcèlement" est un impératif légal et moral pour les entreprises du Québec (LNT et LSST). Mais soyons réalistes, dans un monde professionnel fait de dynamiques de groupe et de tensions habituelles, peut-on vraiment viser l'absence totale de friction ?
Cette question confronte l'idéal réglementaire aux dures réalités psycho-socio-organisationnelles du travail. L'objectif n'est pas de faire disparaître les tensions, mais d'empêcher qu'elles ne se transforment en harcèlement. Voici une analyse détaillée de ce défi crucial pour votre organisation.
1. L'impératif de la tolérance zéro harcèlement: un baromètre de sécurité 🛡️
La politique de tolérance zéro n'est pas qu'un simple affichage ; elle est la pierre angulaire d'un climat de sécurité psychosociale (CSP) sain.
Une obligation légale et morale
Les organisations ont le devoir de protéger la santé psychologique de leurs employés. Une politique claire contre la violence et le harcèlement est un indicateur clé de l'importance accordée à cette prévention.
Le climat de sécurité psychosocial fait référence aux politiques, pratiques et procédures visant à protéger la santé mentale des travailleurs.
Le signal est clair : L'organisation ne peut et ne doit accepter aucune forme de violence ou de harcèlement.
L'inaction face aux incivilités ou aux conflits est un terreau fertile. Elle ouvre la voie à des conduites plus graves, rendant le milieu de travail toxique.
La "tolérance zéro" est un objectif de comportement : l'organisation ne tolérera jamais les actes de harcèlement.
2. Le réalisme : pourquoi les tensions sont inéluctables (et utiles) 💥
Si le harcèlement doit être banni, il est irréaliste de s'attendre à une absence totale de tensions et de conflits dans la vie de groupe. C'est l'essence même des phénomènes d'interaction humaine au travail, surtout pour l'innovation et la croissance des équipes.
Les 2 types de tensions dans les groupes
Tension primaire : Celle qui émerge au début, centrée sur le besoin d'affection, d'être accepté. Les membres sont centrés sur leurs propres émotions. C'est une politesse et un civisme qui protège la sécurité individuelle. Mais ce civisme excessif nuit à la vraie prise de décision participative et à l'innovation. Cette tension peut ressembler à de l'anxiété sociale, où les gens se demandent s'ils seront acceptés par les autres.
Tensions Secondaires : Celles qui surviennent plus tard. Elles sont le résultat des affrontements liés au travail : divergences d'opinions, lutte pour le leadership, différences de compétences ou de valeurs. Ces moments peuvent être intenses, incluant des agressions verbales. La tension secondaire que l'on a remarqué le plus est celle liée à la divergence qualité vs efficacité, que l'on nomme conflit de rythme ou conflit de valeurs. Trouver la norme acceptable passe par cette tension secondaire.
Attention : Ces tensions ne sont pas toujours négatives ! Leur résolution constructive est un passage obligé pour atteindre la cohésion du groupe, un facteur de protection crucial contre les risques psychosociaux (RPS).
Le défi ? Gérer l'énergie de ces tensions pour les empêcher de dégénérer en violence ou en harcèlement.
3. La prévention efficace : cibler l'organisation pour la régulation 🎯
Le réalisme de la tolérance zéro ne réside pas dans la suppression du conflit, mais dans la mise en place de mécanismes de régulation efficaces.
Le harcèlement est souvent le produit d'un terreau fertile créé par des facteurs organisationnels : charge excessive, faible autonomie, manque de soutien social, injustice.
Stratégies pour éviter la dégénérescence
Lorsque les tensions sont ignorées, des mécanismes dysfonctionnels peuvent émerger, comme le rôle de bouc émissaire, où les tensions du groupe sont imputées à un seul individu. Pour l'éviter, l'organisation doit agir sur trois niveaux :
Niveau | Action Clé | Description |
Primaire (Relations au travail et organisation du travail) | Analyse et élimination des RPS à la sources | Identifier et éliminer les facteurs organisationnels (charge de travail, manque de clarté) qui favorisent les comportements violents. C'est l'approche la plus efficace. |
Régulation (le conflit) | Méta-communication (communication consciente) et médiation | Outiller les équipes et les leaders pour nommer les difficultés (méta-communiquer) et utiliser des stratégies de dénouement (conciliation, médiation) avant que le conflit ne s'installe. |
Leadership (le soutien) | Gestion rapide et sécurité psychologique | Le leader doit intervenir rapidement sur les mésententes et créer un climat de sécurité psychologique où l'échange est sans crainte de jugement. |
Conclusion : tension du groupe vs dégénérescence relationnelle
La tolérance zéro harcèlement est un principe fondamental non négociable. Elle est réaliste comme objectif de comportement. Toutefois, elle est irréaliste si elle vise l'absence de tensions.
Le véritable enjeu stratégique est de distinguer la tension du groupe (nécessaire à l'évolution) de la dégénérescence relationnelle en violence (le harcèlement).
Pour y parvenir, votre organisation doit investir dans la prévention primaire (agir sur le travail réel) et faire de la Méta-régulation une compétence clé du leadership. cela implique un méta regard relationnel et une communication consciente au coeur des équipes.
Passez à l'action :
Développer un programme de formation spécifique sur la méta-régulation pour vos gestionnaires et équipes clés (RH, CSSST). Apprenez à analyser et interpréter les tensions pour qu'elles soient adressées de manière constructive et ne se transforment jamais en harcèlement.
Et vous ? Votre organisation distingue-t-elle clairement le conflit du harcèlement ?
Partagez votre expérience dans les commentaires ! 👇
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