La psychologisation des facteurs de risques psychosociaux au travail
- Patrick Dufault, CRHA
- 10 sept.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept.
La psychologisation des facteurs de risques psychosociaux au travail renvoie à une tendance à expliquer ou traiter ces facteurs principalement sous l’angle individuel et psychologique, parfois au détriment de leurs dimensions organisationnelles, collectives et structurelles[2][4].

Lorsque les gestionnaires que nous accompagnons, nous parlent de santé psychologique et de souffrance au travail, ils s’ouvrent principalement sur les arrêts maladie, les conflits interpersonnels et sur des comportements inappropriés (incivilités).
👍Avant tout, il faut mettre en pause le biais d’individualisation et la psychologisation rapide des questions de souffrance au travail qui sont très fréquemment renforcée sur les médias sociaux.
🎉Rappelons que la santé et la dignité psychique se construisent dans la relation aux autres : par la reconnaissance, la possibilité d’échanges et de coopération dans le travail, avec le soutien des collègues et des décideurs.
👏La prévention des RPS se joue dans la capacité de stimuler l’ouverture, la créativité individuelle et collective, donc psychosociale, à se réorganiser.
Lorsqu’on parle de prévention psychosociale du travail, il s'agit de favoriser une prise de conscience collective dans les organisations et sortir d’une vision individualisée des enjeux du travail. La prévention des RPS permet d’étudier les interactions complexes entre la situation de travail et les gens (employés et dirigeants) qui œuvrent dans l’organisation.
Définitions et enjeux
Les facteurs de risques psychosociaux (RPS) sont des éléments du travail — tels que la charge de travail, la reconnaissance, l’autonomie décisionnelle, le soutien social, le harcèlement, ou la violence — qui affectent la santé mentale et physique des travailleurs[2][3][5]. Il ne faut pas les confondre avec les symptômes que sont le stress, l'anxiété, le burn out, etc.
La psychologisation consiste à attribuer la responsabilité des difficultés et les solutions principalement à la personne (fragilité, manque de résilience, etc.), en laissant de côté les déterminants liés à l’organisation, la culture, ou les modes de gestion[4].
Conséquences de la psychologisation
-Elle peut conduire à individualiser les réponses de solution de soutien (coaching, formation à la gestion du stress, accompagnement psychologique) alors que beaucoup de solutions sont à rechercher dans le collectif et l’organisation du travail (aménagement des charges, reconnaissance, soutien managérial)[2][4].
- Risque de stigmatiser ou de culpabiliser les employés au lieu d’identifier et de corriger les défaillances structurelles ou managériales[4].
- Prévention limitée à des mesures d’accompagnement plutôt qu’à des actions sur l’organisation, la répartition du travail, ou le climat social[2][3].
Bonnes pratiques recommandées
- Privilégier une approche globale (organisationnelle), intégrant à la fois les dimensions psychologiques individuelles et celles, collectives, de l’environnement de travail[4].
- Utiliser des outils de diagnostic et d’intervention qui tiennent compte des multiples facteurs : organisation, gestion, conditions d’emploi, relations sociales[2][4].
- Associer les comités de santé et sécurité et standardiser les processus de prévention en impliquant activement le collectif de travail, pas seulement l’individu[4].
- Les treize facteurs clés à surveiller.
Les facteurs clés à surveiller selon les recherches canadiennes, incluent : équilibre, respect, clarté du leadership, engagement, croissance, participation, culture organisationnelle, protection psychologique, etc.[1][5].
La psychologisation des RPS représente un biais à éviter pour les dirigeants et RH:
il est essentiel de reconnaître la complexité des causes et d’intervenir à tous les niveaux (individuel, collectif, organisationnel) pour prévenir efficacement les risques psychosociaux au travail[2][4].
Face à la souffrance, les individus et, quand l’organisation du travail le permet, les équipes mettent en place des mécanismes de protection. Mais « Lorsque la relation entre la personne au travail et l’organisation du travail est bloqué, lorsqu’il n’y a plus de marges de manœuvre, plus moyen de transformer son environnement de travail, alors commence la souffrance et la lutte contre la souffrance »[8]. Quand les stratégies de protection ne fonctionnent plus, voire s’opposent ou s'annulent, c'est la souffrance qui prend le dessus.
Il est important de se rappeler que tout travail est marqué par une tension entre ce qu’il comporte de contraintes, d’exigences, d’épreuves, de souffrances et ce qu’il apporte de possibilités, de créativité, d’ouverture, d’aventures, de développement.
Et la prévention des RPS se joue dans la capacité de stimuler cette ouverture, cette créativité individuelle et collective, donc psychosociale.
Un individu peut vivre un trouble de l'adaptation, mais si plusieurs membres de l'organisation ont les mêmes symptômes, alors c'est l'organisation qu'il faut soigner.
Sources
[1] Santé mentale - Facteurs de risque psychosociaux au travail https://www.cchst.ca/oshanswers/psychosocial/mh/mentalhealth_risk.html
[2] Risques psychosociaux du travail | INSPQ https://www.inspq.qc.ca/risques-psychosociaux-du-travail-et-promotion-de-la-sante-des-travailleurs/risques-psychosociaux-du-travail
[3] Fiche de risques – RPS (risques psychosociaux) https://extranet.santemonteregie.qc.ca/app/uploads/2024/05/fiche-risques-psychosociaux.pdf
[4] La santé psychologique au travail : entre obligations et ... https://www.bcf.ca/fr/intelligence-d-affaires/2025/sante-psychologique-au-travail-obligations-bonnes-pratiques
[5] 13 facteurs pour traiter de la santé mentale en milieu de ... https://commissionsantementale.ca/13-facteurs-pour-traiter-de-la-sante-mentale-en-milieu-de-travail/
[6] De réels risques psychosociaux liés au travail https://www.revuegestion.ca/de-reels-risques-psychosociaux-lies-au-travail
[7] Intervenir sur les risques psychosociaux du travail : leviers ... https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2893-risques-psychosociaux-travail-leviers-strategies-mobilisation.pdf
[8] Dejours, Christophe. « Souffrance en France – la banalisation de l’injustice sociale » (Seuil, 1998).
Commentaires